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Que peuvent signifier l’Étable de Bethléem et le mystère de la Sainte Enfance pour ces petits êtres avilis et dénaturés par la richesse, dès leur entrée dans ce monde horrible que leur présence fait paraître plus horrible encore ? L’innocence persécutrice ! Imagine-t-on quelque chose de plus douloureux ? Un pauvre enfant désarmé dont on fait, sans qu’il le sache, un vase d’injustice et de cruauté, au nom de qui s’accomplissent légalement des actes affreux qu’il ne pourra jamais réparer, et sur la tête de qui on accumule à plaisir la haine, l’envie, la fureur, les malédictions désespérées d’une multitude ! L’Évangile dit : « Malheur aux riches ! » Se représente-t-on la force de cette Parole s’exerçant sur un nouveau-né ?…

Oui, Bethléem dans ce tourbillon d’enfer !… À supposer une infinitésimale puériculture de religion, que pourra penser le petit roi, sinon que les gens de Bethléem eurent bien raison de ne pas héberger une famille si pauvre et que L’Enfant de Marie dut s’estimer trop heureux de n’être pas rebuté par le bœuf ni l’âne et de recevoir gratuitement l’hospitalité de ces ani-