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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

lui jusqu’au jour du Jugement ; mais, avant d’être historien, on doit se souvenir qu’il fut le rénovateur de l’antique apologie chrétienne qui avait été comme le vagissement littéraire de l’Église dans les trois premiers siècles. Seulement, il renouvela ce genre vénérable en le rajeunissant et en le retrempant, comme le vieil Éson de la Fable, dans l’énorme cuve bouillonnante de tous les progrès scientifiques de l’esprit humain. Récipient monstrueux et babélique, image du profond Chaos avant que le Verbe du Tout-Puissant en eût fait le suppôt de la Lumière, tout s’y trouvait et s’y confondait dans ce mystérieux désordre harmonique qui précède ordinairement le grand ordre soudain que la Providence veut opérer !

Le Comte Roselly de Lorgues discerna profondément la vocation et la mission religieuse des temps modernes et il déclara aux Athéniens de sa génération qu’ayant regardé en passant les divers simulacres de leur culte scientifique, il avait trouvé — comme saint Paul — un autel dédié au Dieu inconnu, et que cet objet de leur ignorante adoration était, assurément, le Père des lumières et le Dieu des sciences. Et il démontra ce qu’il affirmait, gloriflant la science, comme jamais la science n’aurait osé rêver de se glorifier elle-même, la mettant en escabeau sous les pieds du Seigneur, au-dessus des plus inaccessibles pics de l’orgueil humain, lui faisant allaiter amoureusement la Tradition catholique que le même orgueil prétendait exténuer par elle ; enfin, retournant contre cette fille dénaturée du Père du mensonge la fameuse tentation de l’Évangile et lui promettant tous les empires du monde et toute leur gloire si elle consentait à se prosterner devant le Fils de Dieu !