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HISTORIQUE DE LA CAUSE

parfois ce chaos et venaient illuminer d’étranges lueurs symboliques les simulacres et les autels. La grande Promesse voyageait dans le monde parmi des générations de pénitents involontaires et, d’âge en âge, se formulait obscurément, à la manière d’un écho lointain, dans la clameur inspirée des voix sibyllines. Les législations elles-mêmes, si orgueilleuses et si dures, s’étaient laissé pénétrer comme d’un vague pressentiment de la dignité humaine. Le Démon triomphait sans doute, mais il triomphait avec inquiétude et tremblait devant ses esclaves !…

En Amérique, rien de semblable. Ténèbres absolues et triomphe complet, comme en enfer ! Le livre de la Sagesse a un passage, sublime d’horreur, où le roi Salomon raconte la cécité miraculeuse de l’Égypte, région d’angoisse, figurative de toute la gentilité :


« Ils étaient tous ensemble — dit le Voyant royal — liés d’une même chaîne de ténèbres et enveloppés d’une longue nuit. Enclos sous leurs toits, ils s’étaient couchés, fugilifs de la perpétuelle Providence.

« Et, s’imaginant qu’ils pourraient demeurer cachés dans l’obscurité de leurs péchés, ils avaient été dispersés sous un obscur voile d’oubli, — étant horriblement effrayés et dans un tremblement prodigieux.

« Car la caverne qui les contenait ne les défendait pas de la crainte, parce que tout son qui descendait vers eux les remplissait d’épouvante…

« Le sifflement du vent ; le chant suave des oiseaux dans les rameaux des arbres ; le bruit de l’eau courante ; celui des pierres tombantes ; les ébats, invisibles pour eux, des animaux ; le hurlement des fauves ou les