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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

terrible phénomène ; c’était celle où l’on avait conservé la vraie Croix[1].

« L’immunité singulière accordée pendant cette épouvantable destruction à ceux qui honoraient la vraie Croix, accrut l’admiration et la ferveur qu’inspiraient déjà ses miracles. Ces faits extraordinaires furent communiqués officiellement au gouvernement espagnol.

« Héritier de la vénération que son père montrait pour ce saint bois, le roi Philippe II ordonna de le transporter à ses frais[2] dans la cathédrale de Saint-Domingue. Ce fut une mémorable mais difficultueuse procession de vingt-deux lieues par des chemins souvent peu praticables. la vraie Croix, remise à l’Évêque, eût alors une châsse en argent massif, ornée d’un beau travail en filigrane, et formée par trois serrures dont le doyen du chapitre métropolitain, le plus ancien chanoine et le plus ancien prébendier reçurent chacun une clef. Cette précaution contre la négligence ou la faiblesse dit assez quel prix mettait le roi catholique à la conservation d’une relique si renommée. Peu d’années avant la Révolution française, un historien de Saint-Domingue a pu la voir encore.

« La célébrité de la vraie Croix de la Conception survécut aux ruines de cette cité. La dévastation et l’abandon de la Véga ne purent décourager le zèle des pèlerins et les empêcher de venir s’agenouiller pieusement au lieu qui le premier fut témoin de tant de miracles. La haute éminence sur laquelle Colomb avait élevé la Croix s’appela la Sainte-Colline, Santo Cerro. Elle porte encore aujourd’hui cette désignation : Le concours des fidèles, quoique bien réduit

  1. « Se Cayó, y la yglésia collegial que era muy grande e fuerte de canteria, salvó la parte adonde estava la Cruz. » — Herrera, loc. cit.
  2. Moreau De Saint-Méry, Description de la partie espagnole de Saint-Domingue, t. I, p. 192.