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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

d’une exégèse inflexible où la Lettre des Saints Livres étouffait l’Esprit du Seigneur[1]. La Science catholique, figée dans les formules et les sentences de l’École, avait fini par stériliser la Tradition, en la détournant de la contemplation des divins objets pour la contraindre à tout expliquer dans l’ordre politique et dans l’ordre subjectif des réalités naturelles.

Imperturbable et sereine, cette science éireignait le genre humain et s’étalait devant la Sagesse de Dieu, comme un rivage devant l’Océan, pour que cette Sagesse « n’allât pas plus loin » et condescendit à briser contre le granit du syllogisme « l’enflure de ses vagues ».

L’apparition soudaine d’un Messager et d’un Révélateur au sein d’une société si fermement assise dans la

  1. Lorsque Colomb, en instance auprès de la Cour d’Espagne, dut comparaître devant la Junte de Salamanque chargée de l’examen de son projet de Découverte, quelques-uns des doctes membres de ce congrès « objectèrent à ses déductions des passages des Saintes Écritures qu’ils appliquaient fort mal, et des fragments tronqués de quelques auteurs ecclésiastiques’contraires à son système. Des professeurs cathedruticos établirent par majeure et par mineure que la Terre est plate comme un tapis, et ne saurait être ronde, puisque le Psalmiste dit : « Étendant le ciel « comme une peau, » extendens cœlum sicut pellem ; ce qui serait impossible si elle était sphérique. On lui opposait les paroles de saint Paul, comparant les cieux à une tente déployée au-dessus de la Terre, ce qui exclut la rotondité de ce monde. D’autres, moins rigides ou moins étrangers à la cosmographie, soutenaient, qu’en admettant la rolondité de la Terre, le projet d’aller chercher des régions habitées dans l’hémisphère austral était chimérique, puisque l’autre moitié du monde restait occupée par la mer Ténébreuse, ce gouffre formidable et sans limite ; et si, par bonheur, un navire laucé dans cette direction parvenait à toucher aux Indes, jamais on n’en pourrait avoir de nouvelles, parce que cette prétendue rotondité de la Terre formerait un obstacle insurmontable à son retour, quelque favorables qu’on supposât les vents. » (Christophe Colomb, par le Comte Roselly de Lorgues, liv. I, ch. v.)