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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

l’éternel gouvernement de la Providence devient visible pour nous dans un tel acte. On ne doit pas oublier l’évangélique générosité du conseil de Colomb. Après le refus durement exprimé d’Ovando, l’Amiral renvoya auprès de lui, n’espérant plus le ramener à de meilleurs sentiments envers sa personne, mais voulant détourner de ses ennemis le danger auquel ils l’exposaient lui-même, et préserver la flotte d’une destruction imminente.

« Il semble que, dans sa miséricorde, la Providence eût ménagé aux coupables cet avertissement, comme une dernière épreuve de leur dureté de cœur.

« Mais ces hommes cupides, maintenant surchargés de richesses, étaient impatients de revoir la patrie. Il leur tardait d’aller jouir oisivement en Castille du fruit de leurs rapines. Leur passé était d’avance légitimé par leur or ; et ils espéraient recevoir sans doute les faveurs dont le crédit de Juan de Fonseca récompenserait leur haine contre l’Amiral. Ils renvoyèrent avec dédain le conseil du patriarche de l’Océan ; répondirent par la dérision et le mépris à cet acte de chrétienne magnanimité. Après l’avoir abreuvé d’amertumes, de calomnies, quand il régnait sur eux, ils voyaient avec joie ses navires repoussés de la terre qu’il avait découverte. La présence du juste aurait troublé leurs illusions coupables. Ne voulant rien de lui, pas même un conseil, ils rejetèrent son avertissement, ainsi que sa personne était déjà rejetée de l’île, dont il était le Vice-Roi. Ils dirent au Serviteur de Dieu, comme l’impie des anciens jours au Seigneur lui-même : « Éloignez-vous de moi[1]. »

« Cette ingratitude mit le comble à leur iniquité. Le Très Haut aveugla ces superbes. :

« L’ange du Seigneur donna ses ordres à la tempête, et le châtiment s’accomplit.

  1. « Recede a nobis, scientiam viarum tuarum nolumus. » — Job, cap. xxi, § l4.