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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

d’or massif dont aucun travail des mines n’a jamais offert le pendant. Longtemps la mémoire de ce terrible fait se conserva vivace dans l’Île. L’archichronographe impérial Oviedo, qui y résida et s’en entretint avec des témoins oculaires, fut frappé de son caractère prodigieux. Dans trois passages de son Histoire naturelle des Indes occidentales, il revient sur cette flotte perdue pour avoir négligé le conseil de l’Amiral[1]. Le Milanais Girolamo Benzoni, qui habitait Hispaniola quarante ans après l’exécution de ce jugement, et dut y entendre encore quelques témoins oculaires, n’a pu se défendre de voir ici la sentence d’un arrêt céleste[2]. Le châtiment des rebelles, l’anéantissement de leur inique trésor, lui paraît un exemple salutaire donné au monde et une haute leçon de philosophie historique.

« La prédiction de Colomb, son terrible accomplissement, l’immunité accordée au petit trésor du messager de la Croix sur l’Atlantique, et la conservation de ses quatre navires dans la mer Caraïbe, sa caravelle seule exemptée de toute fatigue et de toute avarie pendant l’effroyable tumulte des flots, faits qu’attestent des témoins oculaires, des pièces officielles, des documents authentiques et l’unanimité des historiens, ne sauraient aujourd’hui être mis en doute.

« Chose à remarquer : personne n’a jamais osé attribuer un tel enchaînement de circonstances au Hasard, ce patron complaisant du difficile, qu’on se plaît à charger de l’imprévu et de l’extraordinaire dès que notre raison n’en trouve pas une explication qui la satisfasse.

  1. « … Qui furent perdus pour ne point avoir cru ne prins conseil de l’Amiral. » — Oviedo y Valdez, Histoire naturelle et générale des Indes, traduction de Jean Poleur.
  2. Benzoni : « Qui é da notare quanto la giustizia di Dio permette per castigare la malignita de gli nomini e considerare che tutti i nostri tesori e le nostre richezze nell’quali tanta fidanza abbiamo, tutte sono sogni e ombre false, etc. » — La Historia del Nuovo Mondo, lib. I, fogl. xxiv. (Venezia, 1572).