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APPENDICES

ment transparente que, sans exception, tous les historiens de cette époque s’en montrèrent saisis de respect et d’effroi.

« Si le discernement de la tempête, qui épargne le juste et sévit contre les coupables, balaye de son souffle leurs espérances, emporte leurs supplications, verse au gouffre de l’Océan les richesses accumulées au prix de leur âme ; si le sauf-conduit donné parmi les abîmes au petit trésor de l’Amiral, qu’on a placé méchamment sur la plus fragile des nefs, et qui l’amène seule à travers l’Atlantique dans le port destiné, nous frappent d’étonnement, cet étonnement se changera en stupeur, à l’aspect de la protection qui, durant ce même instant, couvre la personne et l’escadre de l’Ammiral dans la mer des Antilles. Ses quatre caravelles sont également préservées et sur la côte et sur la pleine mer. Le Galicien, ce navire mis en danger par la seule houle, résiste à l’impétuosité des flots : la Capitane ne perd ni un homme ni une ancre, ni un câble, ni une planche, ne recoit aucune avarie.

« Le caractère vraiment surnaturel de cet événement impressiona profondément l’Espagne. L’étrangeté de ces circonstances, l’immensité de la perte, le deuil de plus de cinq cents familles, donnèrent aux détails de ce fait une authenticité lugubre et mémorable.

« La Reine fit au gouverneur Ovando un double grief, de son double refus d’obtempérer à l’avertissement de l’Amiral et de lui accorder un refuge dans une si pressante nécessité[1]. Le Roi regretta l’or fondu et marqué, surtout ce pain

  1. Les Rois eurent un grand ressentiment de la flotte, car ils le firent paraître ouvertement… Ils mandèrent à Nicolas de Ovando, qu’ils n’avaient pas pour agréable le refus qu’il avait fait à l’Amiral de se retirer dans le port par la pressante nécessité où il était, et de n’avoir pas voulu suivre son conseil en retenant la flotte quelques jours davantage. » — Herrera, Histoire générale des voyayes et conquêtes, etc., dans les Indes occidentales, décade Ire, Liv. V, ch. xii.