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APPENDICES

dans l’histoire. Cette pépite, que plus de mille hommes avaient touchée de leurs mains[1] avec admiration et convoitée, s’élevait, d’après un témoignage authentique, au poids de « trois mille six cents pesants d’or ». Les rebelles avaient aussi placé sur ce navire la somme de cent mille pesants d’or fondu et marqué, et quantité de gros grains d’or natif, pour les montrer ainsi en Espagne. Jamais une telle quantité d’or n’avait été vue à la fois.

« D’autres richesses, également acquises au mépris de la justice et de l’humanité, payées du sang et de la vie de tant de malheureux Indiens, étaient entassées sur chacune des caravelles. D’après Benzoni, il y avait là plus de quatre cents Espagnols, tous riches, tutti richi.

« Le temps étant superbe, on mit fin aux adieux. Le capitaine général donna le signal du départ. La flotte, ouvrant ses voiles, s’éloigna majestueusement des rives de l’Ozama. Elle gouverna directement au sud-est, pour aller doubler le cap de l’Épée, au-dessus de l’île Saona, et gagner la haute mer.

« Tout allait à souhait. On arriva par un souffle propice à la hauteur du cap Raphaël, à une distance d’environ huit lieues, quand tout à coup la brise mollit ; puis en peu d’instants des signes inquiétants se manifestèrent. La transparence du ciel s’épaissit, l’éclat du jour décrut rapidement. L’Océan se tenait calme et morne ; l’air était lourd et suffocant. Pour des pilotes exercés, il n’y avait pas à s’y méprendre : c’était l’annonce de lu tempête.

« Quoiqu’on fût en vue de la terre, on ne pouvait y chercher un refuge. Aucun souffle ne soulevait les voiles, qui pendaient flasques le long des mâts. L’Atlantique, devenu terne et glauque, demeurait immobile comme un cercueil

  1. « Globum eum mille amplius homines viderunt atque attractaverunt » — Petri Martyri, Anglerii, Oceanæ Decadis primæ, liber decimus, fol. 24, § d.