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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

maintient toutes les assertions scientifiques de Colomb. Dans l’état contradictoire de la cosmographie, cette affirmation était d’une hardiesse étonnante.

« Alexandre VI ne traite point comme une négociation diplomatique le privilège qu’il va concéder. Il n’obéit ici à aucune propension personnelle ; ce n’est pas un acte de condescendance d’un Pape espagnol envers des rois espagnols. Il n’y a plus ici ni Espagnol ni Souverain ; le Pontife procède uniquement en qualité de Chef de l’Église, avec l’assistance des vénérables cardinaux présents à Rome[1]. Car il ne s’agit point d’un intérêt international, d’une affaire à régler pour la Castille ; mais des intérêts vitaux du catholicisme, de la conquête des âmes, de l’extension de la science et du royaume de Jésus-Christ.

« Comme la demande de la Castille est juste, le Souverain Pontife, avec le consentement du Sacré Collège qui l’entoure, accorde le privilège par sa Bulle du 3 mai 1495.

« Le principe posé, il s’agit d’en régler l’application : de fixer des limites aux expéditions des Castillans ; de partager entre eux et les Portugais les parties inconnues du Globe sur lesquelles ces deux puissances feront porter l’Évangile et la civilisation.

« C’est ici qu’apparaît visiblement la participation de l’Église à la Découverte, et que montre ses effets, la bénédiction intime du pape Innocent VIII sur l’entreprise de son compatriote. Tel qu’il est, son successeur vient d’accepter comme une des obligations pontificales le patronage de la Papauté dans l’invention du Nouveau Monde. Il a foi en Colomb ; lui donne pleine créance en des choses inouïes ; le dispense de toute preuve : justifie ses calculs invérifiables. C’est uniquement sur Colomb que se fonde, c’est d’après Colomb que s’engage le Souverain Pontife dans le colossal

  1. Herrera, Histoire générale des Indes occidentales. Décade I, liv. II, ch. iv.