Page:Bloy - Le Révélateur du globe, 1884.djvu/288

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
260
LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

quera pas de s’en prévaloir. Si le projet de Béatification est simplement absurde, comme on le prétend, on ne comprend plus rien à toutes ces violences. Il me semble que le ridicule serait assez pour faire justice d’un tel projet s’il n’était qu’absurde. Mais si, au contraire, il est sage, s’il se réalise à la fin, voyez-vous d’avance l’impayable déconfiture de ce diocèse ? Le démon est un usurier de démence. Quand il suggère une folie, c’est pour qu’on ne s’arrête plus d’être insensé et pour qu’on aille, s’il est possible, jusqu’aux dernières extrémités de la fureur. Qui sait, sinon cet Exacteur lénébreux des passions humaines, jusqu’à quels excès nouveaux peut être emporté le malheureux prêtre dont il paraît avoir fait son esclave ?

Seulement, pour l’honneur de l’Épiscopat, on pourrait désirer que Mgr Magnasco qui, après tout, doit avoir le respect de son sacerdoce et l’amour de son troupeau, rencontrât quelqu’un qui lui ouvrit enfin les yeux et lui montrât clairement l’abîme de confusion où l’entraîne une inexplicable faiblesse pour son ancien collègue, le triste chanoine Sanguineti. L’infortuné prélat ne voit-il donc pas les conséquences inévitables de cette inouïe condescendance qui va jusqu’à l’abdication effective et quotidienne de son autorité entre les mains d’un cuistre qui la déshonore ? Je n’imagine rien de plus lamentable que le spectacle d’un vieillard vénérable, pasteur d’un grand nombre d’âmes, se prêtant de bon gré, comme un Géronte épiscopal, — à ce ridicule sans exemple d’être le perpétuel plastron défensif de la vanité extravasée d’un faquin de lettres comme on n’en vit peut-être jamais. Il faut être Génois pour ne pas voir cela, pour ne pas sentir l’énormité de cette