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OBSTACLES À L’INTRODUCTION DE LA CAUSE

sans doute, mais incomparablement plus ahurissant que tous les pamphlets génois. Assurément, on doit tenir un compte équitable et miséricordieux de l’indigence laborieuse d’un feuilletoniste condamné à soutenir éternellement sa réputation de délicieux critique ; mais, que l’auteur des Contes d’un Planteur de choux, vienne se poser en face de ce Planteur de Croix qui fut l’Amplificateur de la Création, et qu’il lui dise : « Tu es un grotesque ! » c’est un de ces traits de la vieille farce diabolique au delà desquels il n’y a plus que le silence d’une stupéfaction immobile et glacée comme les efgies des sépulcres !  !  !

Eh bien ! ce ruineux vieillard, qui semble avoir été mis sur la grande route des écrivains du xixe siècle, comme un redoutable avertissement de leurs fins dernières, est quelque chose d’imposant, — je suis forcé de le répéter, tant c’est inouï, — dans un monde qui passe pour élevé et il a un crédit d’homme d’esprit qui ne permet pas, par malheur, qu’on se taise absolument sur son compte. Il est le mandataire implicite d’un grand nombre d’esprits lâches ou venimeux dont il orthographie la pensée et qui, secrètement, exultent de se voir si bien compris. Il est le porte-voix d’un certain groupe que je me contenterai d’appeler les catholiques du strict nécessaire, c’est-à-dire les catholiques qui tiennent pour la lettre des lois de l’Église et qui admettent d’élégantes atténuations à l’esprit des commandements de Dieu. Pour ces catholiques, sagement enneinis de l’exagération dans la pratique deleurs vertus, les saints sont tuujours des hommes ridicules qui « en font trop », l’Estote perfecti du Sermon sur la montagne est un précepte qui ne regarde pas les mon-