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OBSTACLES À L’INTRODUCTION DE LA CAUSE

Cette jolie note d’histoire liltéraire pourra sans doute être citée longtemps, car M. de Pontmartin a l’air d’être éternel. Il n’est pas encore académicien et c’est une des anomalies les plus étonnantes de ce siècle. Impuissance totale de l’esprit, éclectisme politique, religiosité douceâtre et clair-obscure, frigidité littéraire à faire éclater le marbre, il a tout pour plaire aux Troglodites quadragésimaux de l’immortalité officielle. Il n’y a pas en lui la plus petite tache de poésie ou de générosité intellectuelle. Pourquoi donc le font-ils si longtemps attendre ?

L’héroïsme, de quelque nature qu’il soit, étant l’objet spécial de la répugnance de M. de Pontmartin, il se devait deux fois à lui-même de ne pas laisser sans outrages un livre tel que le Christophe Colomb, puisque ce livre est én même temps, l’histoire d’un héros et un vrai chefd’œuvre. La prudente niaiserie de certains esprits sans grandeur, dont ilest le Calchas folâtre et pour lequel il ouvre les entrailles de ses victimes hebdomadaires, a bien raison de compter sur le zèle clairvoyant de ce champion. Il ne leur offrira jamais que des holocaustes d’agréable odeur, c’est-à-dire tout ce qui aura magnificence et virilité[1]. Aussi, a-t-il renouvelé, à diverses

  1. M. Barbey d’Aurevilly, par exemple, cinquante fois insulté. Il est peut-être juste de remarquer que M. de Pontmartin, en outre de ses instincts et de ses consignes, a de très grosses iujures à venger. M. Barbey d’Aurevilly n’a jamais pu l’apercevoir. L’auteur des Prophètes du Passé, critique lui-même, mais d’une autre race, à l’œil conformé de telle sorte qu’il ne peut voir que les objets colorés ou qui tiennent beaucoup de place. Ce roseau devait nécessairement lui échapper. Une seule fois, il y a quelque vingt ans, dans le Réveil, M. d’Aurevilly laissa miséricordieusement tomber sur cet impondérable une gouttelette de mépris qui le tira du néant pendant une Heure. « M. de Pontmartin, disait-il, mixte négatif, qui n’est pas tout à fait Gustave Planche et qui n’est pas tout à fait Janin,