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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

sans savoir si, après avoir fané les lys, il grignotera une crête orléaniste de coq gaulois ou s’il goûtera au miel des abeilles napoléonniennes.

« Évincé du faubourg Saint-Germain[1], tenu en suspicion par le faubourg Saint-Honoré, on le voit flotter dans ses incertitudes politico-religieuses, cherchant partout à placer son fonds de haine ou son reliquat d’encens, puis, ne tombant en arrêt que devant les biceps des autres, objet permanent de son envie. Il n’a qu’un culte, mais il l’a bien. Puisque la production est pour lui le fruit défendu, M. le comte qui a des chevrons, se pose en candidat honteux à l’Institut. Il voudrait planter ses choux sous la coupole Mazarine. Avec d’agaçantes caresses prodiguées indislinctement à tout ce qui a voix au chapitre, il gratte fort discrètement à l’huis académique et demande par signes quand il lui sera permis de s’asseoir, côté des ducs, sur le fauteuil traditionnel qui, après tout, n’est qu’unebanquette très vulgaire. Durant quinze ans et plus, M. Cuvillier-Fleury et lui ont été condamnés à se faire la courte échelle et à jouer sur tous les modes, l’un dans le Journal des Débats, l’autre dans la Gazette de France ou ailleurs, la scène de Vadius et de Trissotin. M. le comte n’a jamais su tenir la corde. Leur commerce de minauderies interlopes, mais peu littéraires, amusait les désœuvrés et à chaque coup d’encensoir réciproque dont se saluaient ces deux jurés priseurs de diphtongues, les désœuvrés murmuraient avec le poète satirique :


« Saint-Lambert, froid auteur dont la muse savante
« Fait des vers fort vantés par Voltaire, qu’il vante. »

  1. Ceci fut écrit il y a quinze ans.