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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

dans son feuilleton, parlé d’un livre quelconque, arrive à Christophe Colomb et s’exprime ainsi : « Le livre de cet excellent Comte Roselly de Lorgues est un des livres les plus grotesques qui me soient jamais tombés sous la main. C’est avec de telles publications qu’on accrédite chez nous l’indifférence en matière de littérature[1]. »

M. Armand de Pontmartin passe pour un critique de grande aulorité. L’extrême médiocrité de ce temps l’a ainsi voulu. Ce qu’il écrit a une prise étonnante sur certains esprits tempérés et précieux qui se défilent de la magnificence et qui redoutent l’originalité. Le sousentendu desa manière insinuante et correcte fait la joie d’une foule de gens aimables ou vertueux, mais dont l’idéal esthétique ne crève pas la voûte du ciel. En tant que journaliste, il donne à peu près le niveau intellectuel de ce qu’on est convenu d’appeler la bonne compagnie. Il peut donc étre signalé comme un type exquis de cette médiocrité renseignante et prétentieuse, qui mène aujourd’hui l’opinion d’une partic élevée de la société en sens inverse de toùte grandeur. M. Armand de Pontmartin a un mot qui le caractérise, c’est le mot exagération. Dans une page éloquente et vivante que l’auteur des Samedis trouverait excessive, M. Ernest Hello, parlant de la médiocrité, démontre que l’usage habituel de ce mot est un signe infaillible pour reconnaître l’homme médiocre. Il paraît que c’est quelque chose comme le labarum de victoire de ceux dont il est écrit dans le saint Livre que leur nombre est « infini ».

Aussitôt qu’un écrivain quelconque s’avise d’être courageux, original ou simplement animé, un critique se

  1. Gazette de France, 5 janv. 1879.