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OBSTACLES À L’INTRODUCTION DE LA CAUSE

là, c’est à faire sangloter les neuf chœurs des Anges !…

Dans ce malheureux récit, dont il est bien impossible de rendre compte, la cœur est submergé de tristesse au spectacle de ce grand homme livré à une besogne de copiste et, d’un geste famélique, raturant la sainte vérité par l’insertion d’une imbécile calomnie qu’il eût été pourtant si facile de démasquer ! Lamartine affirme en deux endroits l’irrégularité de mœurs du héros et la bâtardise de son second fils. Il affirme cela avec autorité, comme si toute la lumière de l’histoire était dans sa main, prostituant ainsi le nom du plus noble poète des temps modernes à la plus odieuse des impostures. Enfin, la mission surnaturelle de Christophe Colomb est, non pas niée, mais totalement inaperçue de celui de ses historiens qui devait, à ce qu’il semble, la mieux voir. Malgré le mot de Messager de la Providence qui n’est là qu’une formule littéraire sans aucun écho dans la pensée, il prononce ce jugement incroyable : « L’attrait du faux le menait à la vérité. » Ne semble-t-il pas que de telles paroles sortent du sein des ténèbres lamentables où ce grand esprit se laissa tomber avant de mourir et que pourrait-on imaginer de plus mortel à sa gloire que de les rappeler, si l’immense humiliation d’une telle chute laissait encore quelque inquiétude à la basse envie de ses contempteurs ?

N’importe. Son livre subsiste avec le prestige de son nom et c’est là, sans doute, le dernier outrage qui manquât, jusqu’à ce siècle, au grand Calomnié de l’histoire. Il fallait au moins une voix séraphique dans le ténébreux concert. L’extraordinaire pureté d’âme de Lamartine ennoblit l’erreur qu’il a épousée et donne