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OBSTACLES À L’INTRODUCTION DE LA CAUSE

Lamartine écrivit une histoire de Christophe Colomb dans ces derniers jours cruels où les triomphes inouïs de sa jeunesse durent être expiés dans les saintes angoisses de l’indigence. Cet homme, au devant de qui les cieux semblaient s’abaisser, et pour qui ce monde lassé et agonisant avait épuisé ses dernières facultés d’admiration, connut enfin l’horrible nécessité d’écrire et fut, après la gloire, le sénile débutant de la misère. Des livres trop nombreux naquirent ainsi, déplorables fruits sans saveur d’un arbre frappé de la foudre et plus qu’aux trois quarts desséché, au-dessus desquels son grand nom qui leur valut un semblant d’existence, produit l’effet d’une flamme vive sur une vile matière se consumant au ras du sol.

On pouvait espérer, cependant, que Christophe Colomb ranimerait son inspiration. Ce fut précisément le contraire qui arriva. Le moyen âge pensait que l’effigie de saint Christophe avait une secrète vertu pour réconforter les âmes et pour écarter tout prochain danger. Le poète de la Mort de Socrate, qui n’aurait certes pas cru à cette vertu miraculeuse du simulacre prophétique bien loin de recevoir de la réalité pleinement visible une illumination salutaire, y perdit, à ce qu’il semble, les dernières lueurs de son mourant génie et s’en alla croûler dans les bas lieux de la vulgarité.

Sans doute, il était déjà tombé, ce Lucifer innocent de la poésie et aucun prophète ne se demandait « comment il avait pu tomber ». On le savait trop. Il était tombé pour avoir cru à l’immaculée conception du genre humain cet l’abtmc de Rousseau avait appelé son abîme. Il était lombé tristement, lamentablement, du côté du bavardage socialiste et patriotique, avec l’espé-