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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

tions ethnographiques que n’illumine aucune métaphysique transcendante et qui se désassemblent comme des colliers de verroteries, à la première singularité de nature humaine qui vient à en rompre le fil ? Un pareil enseignement historique, réduit à ces proportions d’éphémérides et de synopses chronologiques, est assurément la plus vaine des spéculations, la plus creuse et la plus caverneusement démeublée des inutilités de la pensée. C’est une procession de monstres futiles et de sots fantômes dans le kaléidoscope tournoyant d’une imagination de femme ennuyée. Le froid xixe siècle s’en contente, néanmoins, et n’exige pas qu’on ait du cœur quand on lui parle de ses ancêtres, mais sa frivolité veut qu’on l’amuse des aventures du genre humain et cela s’appelle dans l’Écriture de ce nom spécialement réprobateur : l’ensorcellement de le bagatelle.

Les chrétiens qui savent ce que c’est que l’homme doivent exiger davantage. Ils doivent se souvenir que ce monde n’est qu’une figure qui passe et qu’il n’y a de vraiment intéressant que ce qui demeure au fond du creuset du temps, c’est-à-dire l’âme humaine et l’immobile canevas du plan divin. Raconter qu’Annibal enjambait les Alpes n’est qu’une affaire de palette, mais ce vainqueur avait une âme et le Dieu des vainqueurs avait ses desseins, et voilà précisément les deux choses qu’il importe surtout de connaître ! Les plus grands livres écrits par des hommes sont des livres d’histoire. On les nomme les Saints Livres et ils furent écrits par des thaumaturges. À soixante mille atmosphères au-dessous d’eux, les historien : d’inspiration purement humaine doivent être, eux aussi, des thaumaturges à leur manière. Il faut absolument qu’ils ressuscitent les morts