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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

vestigation corpusculaire, la perscrutation entomologique des petites causes et des petits effets dans les plus immenses fresques du Passé, voilà ce qui doit désormais apaiser la faim et la soif de l’homme. Quant à cette noble curiosité qui veut contempler dans l’histoire une grandiose Épopée de la Justice de Dieu et qui cherche, à travers le silence des siècles, la respiration des âmes et le battement des cœurs, on ne se met point en peine de la satisfaire et on la méprise tout juste assez pour r’en pas même tenir compte.

Il semble que l’esprit moderne ait horreur de la vie. L’enthousiasme lui paraît une bouffonnerie absolument incompatible avec la gravité scientifique de l’historien. Le positivisme le plus bas et le plus squameux traîne sa bave jusque sur les plus vénérables traditions de l’humanité, et les synthèses du génie le plus intuitif et le plus perçant n’égalent pas en intérêt le plus microscopique factum exhumé du fond d’une bibliothèque par quelque fuligineux argonaute de cette Colchide de poussière. Le Document inanimé triomphe comme un César et monte au Capitole gardé par les oies de la retentissante publicité. La sainte Vérité, l’enthousiasme, l’amour, les généreuses indignations, suivent à pied comme des captifs. L’outil se transforme en un reptile affamé et dévore l’ouvrier. Toute hiérarchie intellectuelle est renversée bout par bout et les pyramides pendent la pointe en bas dans le désert historique aussi bien que dans la politique ou dans la littérature. Dans tous les genres possibles, les livres médiocres sont auiourd’hui les livres supérieurs et les livres supérieurs sont les médiocres. M. Zola étouffe Balzac dans ses mains abjectes, un M. Soury ne permet pas qu’on entende les clameurs