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OBSTACLES À L’INTRODUCTION DE LA CAUSE

Dans une lettre à la Reine datée du 28 février 1495, l’un des hommes les plus remarquables du temps, l’illustre cosmographe lapidaire de Burgos, don Jaime Ferrer, disait en parlant de Christophe Colomb : « Je crois que, dans ses hauts et mystérieux desseins, la divine Providence l’a choisi comme son Mandataire pour cette œuvre plutôt divine qu’humaine, « mas divina que humana peregrinacion », qui me semble n’être qu’une introduction et une préparation aux choses que cette même divine Providence se réserve de nous découvrir pour sa gloire, le salut et le bonheur du monde. »

Quelques mois plus tard, il écrivait à Colomb lui-même ces paroles extraordinaires :

« Je ne crois point errer en disant, Seigneur, que vous remplissez un office d’Apôtre, d’ambassadeur de dieu, envoyé par les décrets divins révéler son saint nom aux régions où la vérité reste inconnue. Il n’eût pas été inférieur aux convenances, à la dignité et à l’importance de votre mission qu’un Pape ou un Cardinal de Rome prit en ces contrées une part de vos glorieux travaux. Mais le poids des grandes affaires retient Le Pape ; la sensualité deses commodes habitudes, le Cardinal ; et les empéchent de suivre un pareil chemin. Pourtant, il est très sûr que, dans un but semblable au vôtre, Seigneur, le Prince de la milice apostolique vint à Rome, et que ses coopérateurs, ces vases d’élection ! s’en allèrent de par le monde s’exténuant, harassés, leurs sandales usées, leurs tuniques trouées, leurs corps amaigris par les dangers, les privations, les fatigues des voyages durant lesquels souvent ils mangèrent un pain d’amertume[1]. »

  1. « On reconnaît, dit le Comte Roselly de Lorgues, dans cette censure de la mollesse du cardinalat sous le Pontificat d’Alexan-