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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

le soit, est nécessairement un idiot. L’idéal du chanoine Sanguineti est bien différent de cet idiotisme de la vertu qu’on ose nous montrer dans Christophe Colomb et dans les autres Saints. Le commerce des libres penseurs lui a appris à connaître la véritable grandeur chrétienne, et il ne tient qu’à lui de nous étaler un idéal tout à fait imposant et nullement fantastique. Le vrai caractère, les mérites réels de Colomb, ilse charge de les rétablir dans la lumière d’une critique transcendante que le zèle dévorant de la Maison de Dieu pouvait seul lui inspirer. Les voici : Christophe Colomb était un concubinaire, un orgueilleux, un avare, un bourreau, un hypocrite et un sacrilège. C’est là ce qu’il faut admirer en lui et quand on vient dire, par exemple, qu’il brûlait de l’amour de Dieu et qu’il était chaste, l’abbé Sanguineti juge qu’on le déshonore et qu’on le souille.

Ces édifiantes manières d’être ayant été attribuées à Colomb, par les historiens protestants, l’abbé Sanguineti ne peut plus contenir son enthousiasme, et son noble cœur déborde de reconnaissance. Le jour où il a lu Washington Irving pour la première fois, il a pu, lui aussi, chanter le Nunc dimittis et mettre au défi tout écrivain catholique d’écrire une histoire plus « utile à la cause du catholicisme ». Ses sympathies protestantes se révoltent quand l’Unità cattolica dit que, jusqu’au Pontificat de Pie IX, Christophe Colomb fut méconnu et défiguré. Il s’écrie : impudent et hyperbolique mensonge ! Les généreuses colères de son âme l’emportent tellement du côté du protestantisme qu’il pousse de véritables rugissements quand on ose parler autrement que le premier protestant venu.

En propres termes, il refuse d’admettre qu’un pro-