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OBSTACLES À L’INTRODUCTION DE LA CAUSE

Quand on est croyant, même à la façon du Diable qui ne peut s’empêcher de l’être dans son enfer, quoiqu’il en frémisse de rage[1], il n’est pas possible d’être indifférent pour les Saints, parce qu’ils sont les membres vivants de Jésus-Christ, et qu’en cette qualité ils appellent invinciblement ou le Thabor ou le Calvaire. Même dans cette noble ville de Gênes qui nous intéresse en ce moment, cette monstrueuse sorte d’indifférence n’exista jamais. Il y a une quarantaine d’années, la grandeur religieuse de Colomb y était parfaitement inconnue. Les Génois étaient à peu près sûrs qu’il avait découvert l’Amérique, et ils le tenaient sans doute pour un assez intéressant navigateur, dont ils ne sentaient pas autrement le besoin de s’enorgueillir. D’ailleurs, le lieu de sa naissance n’était pas absolument certain et on pouvait contester encore qu’il eût été, à une époque quelconque de sa vie, citoyen génois. Mais si, au contraire, la sainteté héroïque de cet enrichisseur de l’Espagne eût été connue et démontrée, comme elle l’est aujourd’hui, on doit équitablement conjecturer que les Génois se fussent immédiatement passionnés pour ou contre lui, malgré l’incertitude apparente de son origine. Au surplus, ce qui se passe en ce moment me dispense de prolonger cette digression. Voici les faits.

Le Pape Pie IX entrevoit par une intuition supérieure la Sainteté ignorée et méconnue, pendant près de quatre siècles, de Christophe Colomb. Aussi, à peine remis des agitations révolutionnaires du commencement de son Pontificat, il charge le Comte Roselly de Lorgues

  1. « Demones credunt et contremiscunt. » — Jac. I, 12.