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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

Mères rivales. Le grand roi Salomon sur son trône d’ivoire y perdrait sa sagesse. Aussitôt qu’il s’agit d’un saint, le délire de l’émulation est universel et le lieu de sa naissance devient une terre aussi sacrée que l’Horeb pour les générations aux pieds nus qui viennent, en tremblant, s’y prosterner. Le culte des saints est tellement au fond du catholicisme qu’on a toujours cru, parmi les peuples chrétiens, que la prospérité des États en dépendait comme la lumière dépend du flambeau et comme un homme dépend de son âme.

Pour cette raison, et pour d’autres plus profondes encore, loutes les fois que la sainteté d’une créature humaine a éclaté quelque part, d’innombrables mains suppliantes se sont aussitôt tendues vers le Saint-Siège apostolique, seul capable d’en connaître, pour qu’un décret solennel légitimât la vénération des multitudes, et permit à l’enthousiasme populaire de s’écraser sur son tombeau. Je ne crois pas que dans les dix-huit cents ans d’histoire qui nous séparent des Langueurs sacrées de Notre-Seigneur Jésus-Christ on puisse citer un seul exemple de l’indifférence unanime de tout un peuple catholique à l’égard de la sainteté éclatante, manifeste, incontestable ou même simplement probable, d’un de ses fils. L’énoncé pur et simple d’une telle idée serait, à lui seul, une surabondantc démonstration de la plus épaisse inintelligence historique.

Le démon, il est vrai, nous donne, à toute page des annales de l’Église, le spectacle édiflant de la plus furieuse hoslilité contre la mémoire des Saints, dans les pays chréliens où se sont déchaînées l’hérésie formelle uu l’imbécillité orthodoxe plus redoutable encore. Mais, pour ce qui est de l’indifférence, point de nouvelles.