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II

Eh bien, non ! Gênes a honte de Christophe Colomb ! Je ne parle pas de Gênes laïque et politique, qui, à vrai dire, ne brûle pas pour le Héros, mais qui, du moins, tolère qu’on l’admire. Je parle de Gênes ecclésiastique et dévote. On ne le croira jamais et pourtant il en est ainsi.

Sion ne savait rien de l’histoire et qu’on voulût s’en instruire à l’archevêché de Gênes, on apprendrait que la ville de marbre n’a pas sujet d’être extrèmement fière d’avoir donné le jour à Christophe Colomb. Ce monstre de gloire ne fait pas précisément horreur au clergé ligurien ; il lui fait honte, je le répète, et c’est avec la plus étrange de toutes les pudeurs qu’il s’efforce. autant qu’il peut, d’humilier en lui l’orgueil national.

On nous a parlé dans notre enfance de ces villes de la Grèce qui se disputaient l’honneur d’avoir vu naître le grand Homère. Dans les siècles chrétiens, des peuples se sont précipités les uns sur les autres pour quelques ossements de martyrs que tout le monde croyait avoir le droit de revendiquer. À ce point de vue, l’hagiographie catholique est l’histoire, sans cesse renouvelée, des

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