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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

Pourquoi donc, alors, revendiquer à si grands frais la pauvre poignée de poussière d’un homme de rien, d’un batelier, d’un pilote, d’un rêveur inutile décédé depuis quatre siècles ? Pourquoi ce grand souci national à l’ocsion d’un ingrat étranger qui, après avoir accru la domination de l’Espagne de deux cents millions de sujets Indiens, dont il était le père spirituel, refusa l’aumône de quelques écus, en échange de l’Évangile qu’il voulait leur enseigner et mourut impuissant, au pied de la Croix, des éclaboussures sanglantes de leur supplice ?

La réponse est trop facile, hélas ! Si, véritablement, il pouvait être prouvé que les restes de l’Amiral sont à la Havane, ils continueraient d’y être honorés comme les débris inconnus qu’on y tranporta en 1795, l’ont été jusqu’à cette heure : c’est-à-dire que, malgré la place qu’ils sont supposés occuper dans le chœur de la cathédrale, au-dessous d’un buste assez mesquin, personne ne pourrait dire où ils se trouvent réellement. En 1834, il se disait à la Havane que peu d’années auparavant, les restes de Colomb avaient été transportés au cimetière général où aucun monument ne signale leur présence à La curiosité du visiteur. Ces honneurs-là suffisent à la piété filiale de la catholique Espagne et elle prétend qu’ils nous doivent suffire aussi, à nous autres qui ne somines pas Espagnols et, en même temps, à toute la terre. L’Espagne est très persuadée que Christophe Colomb lui appartient ; dès lors, elle est seule juge de la pincée de gloire qu’elle consent à lui départir et elle s’arrange pour draper sa vicille injustice dans le manteau administratif d’une rhétorique de reconnaissance.

Mais si, au contraire, les ossements de ce nouveau Paul d’une gentilité inconnue jusqu’à lui sont encore à