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LE SERVITEUR DE DIEU

nature quelque manœuvre satanique. Il ne pouvait conjurer les puissances de l’air d’après les rites de l’Église, craignant d’usurper sur le sacerdoce ; mais il se rappela qu’il était chef d’une expédition chrétienne, que son but était saint, et voulut, à sa manière, sommer l’esprit de ténèbres de lui livrer passage. Il ft soudain allumer dans les fanaux des cierges bénits, arborer l’étendard royal de l’expédition ; ceignit son épée par-dessus le cordon de saint François ; prit en ses mains le livre des Évangiles ; et, debout en face de la trombe qui s’approchait, lui notifia la sublime affirmation qui ouvre le récit du disciple bien-aimé de Jésus, saint Jean, le fils adoptif de la Vierge.

« S’efforçant de dominer de sa voix le bruit de la tempête, le Messager du Salut déclara au typhon qu’au commencement était le Verbe ; que le Verbe était en Dieu et que le Verbe était Dieu. Que toutes choses ont été faites par lui et que rien de ce qui a été fait n’a été fait sans lui ; qu’en lui était la vie, et que la vie était la lumière des hommes ; que la lumière luit dans les ténèbres et que les ténèbres ne l’ont point comprise ; que le monde qui a été fait par lui ne l’a pas connu ; qu’il est venu dans son propre bien etque les siens ne l’ont pas reçu ; mais qu’il a donné à ceux qui croient en son nom et ne sont nés ni du sang, ni de la chair, ni de la volonté de l’homme, le pouvoir d’être faits enfants de Dieu ; et que le Verbe s’est fait chair, et qu’il a habité parmi nous.

« Alors, de par ce Verbe divin, notre Rédempteur, dont la parole calmait les vents et apaisait les flots, Christophe Colomb commande impérieusement à la trombe d’épargner ceux qui, faits enfants de Dieu, s’en