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LE SERVITEUR DE DIEU

Mystique infernale qui en achèvent la beauté et en font lelivre le plus exceptionnel de toute la littérature historique dans les temps modernes[1].

Je n’aime guère les citations et on ne m’accusera pas d’en avoir abusé. À mon avis, les pages d’un beau livre ne doivent pas s’éparpiller comine les feuilles sybillines. La Critique porte des balances et non pas des ciseaux. Mais, je l’ai dit plus haut, je n’ai pas à faire ici la fonction de critique ot j’en récuse le redoutable honneur. Voici donc, dans sa nudité originale, un passage merveilleusement assorti aux réflexions qui précèdent ; après quoi, j’achèverai comme je pourrai mon travail d’explanation hagiographique. Dieu veuille que ce fragment allume la curiosité des catholiques et leur fasse lire enfin, dans son intégralité, la miraculeuse histoire de Christophe Colomb.

« Le mardi, 13 décembre 1502, pendant que l’Amiral agonisait dans son lit de douleurs, une clameur déchirante, partie de l’une des caravelles, fut presque aussitôt répétée par les autres. Ce cri de désespoir retentit jusqu’à l’âme du moribond. Il frissonna et rouvrit les yeux.

« Quelque chose d’horrible se passait à portée du regard.

  1. « La disgrâce n’émeut point Colomb à la façon ordinaire. Il ne considère pas son étonnante adversité comme un fait purement individuel, la conséquence d’une hostilité de personnes ou de coterie. Il reconnaît dans ce qu’il éprouve la lutte du Monde contre l’esprit de foi. « Si c’est une nouveauté, dit-il, que de me plaindre du monde, son habitude de maltraiter est fort ancienne. Il m’a livré mille combats et j’ai résisté à tous jusqu’au moment où n’ont pu me servir ni armes, ni conseils. C’est avec barbarie qu’il m’a coulé à fond. » Con crueldad me tiene echado al fondo. » — Hist. de Chr. Col., par le Comte Roselly de Lorgues, liv. II, ch. vii.