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LE SERVITEUR DE DIEU

L’Évangile ne leur fut pas annoncé et ils disparurent peu à peu de la terre en maudissant le Dieu inconnu de ces sanguinaires étrangers. Il faut remonter dans l’antiquité jusqu’à la guerre des Mercenaires pour trouver une histoire aussi cruelle et aussi lamentable. Quant à l’inventeur du nouveau monde, il s’appela désormais Amerigo Vespucci, et ce fut ce très mince aventurier qui recueillit, dans toutes les langues, par une substitution sans exemple, la plus grande gloire de l’univers. Christophe Colomb s’enfonça de plus en plus dans l’universel oubli, à tel point que c’est une espèce de miracle que nous sachions aujourd’hui son nom et son histoire.

Après plus de trois siècles, cette histoire ressuscite enfin. La Papauté, qui n’oublie jamais la vraie Gloire, s’est souvenue de celie gloire vierge qu’aucune louange terrestre n’avait profanée. Et maintenant, elle va grandir de tous les obstacles et de tous les délais humains qui s’opposèrent à elle pendant une si longue suite de mauvais rois et de mauvais peuples ; et demain, peut-être, elle remplira tout l’univers.

Beaucoup de chrétiens, de ceux-là qui ne sont pas très sûrs de la sagesse de l’Église, vont sans doute se demander pourquoi il importe tant que Christophe Colomb soit honoré à la manière des saints et quelle nécessité si pressante pourrait avoir l’Église de placer ce navigateur sur ses autels. Il se rencontre beaucoup de ces étranges chrétiens que la béâtification ou la canonisation d’un saint remplit de trouble et de mécontentement. Ils blâment l’Église d’étro si peu prudente et de ménager si peu ses ennemis. En vérité, j’ai souvent entendu ces choses et j’ai vu ces âmes profondément scandalisées. De pareils chrétiens ne savent pas quel Esprit les pousse. Ils