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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

Rois, mais sa pensée nourrie du pain quotidien des Saintes Écritures, l’expose dans la translucide profondeur voilée d’une figure biblique. Il donne à la question des Lieux Saints, attendant leur délivrance, l’image du Sauveur lui-même, attendant, les bras ouverts, durant tout le jour, le peuple incrédule. Il dit : « L’autre affaire la plus importante, reste là, les bras ouverts, appelant ! on l’a tenue pour étrangère jusqu’à cette heure[1]. »

C’est par l’obsession constante de cette pensée que Christophe Colomb résume en lui toutes les pensées et toute la ferveur militante du Moyen Âge qui finit historiquement à lui, et dont la majestueuse porte de bronze se referme sur son cercueil. Comme des héritiers sordides et dissipateurs, les lâches et incrédules Temps modernes attendirent, pourcommencer, qu’il eût exhalé son dernier soupir et qu’il eût été cloué sans aucun faste dans son cercueil, avec les fers dont le chargea l’abominable scélératesse du plus ingrat de tous les princes. La sainte Pensée ne fut plus reprise après lui par personne, parce quele monde vieillissait et que les âmes se rapetissant de plus en plus, descendaient en chantant des choses profanes vers la décrépitude irréligieuse des derniers siècles. Les lamentables historiens sans christianisme qui se sont donné-la tâche d’enseigner l’histoire au dixneuvième siècle, nous avaient parfaitement caché cette magnificence spéciale du rôle de Christophe Colomb. Tout le monde, je crois, l’ignorait, et cependant elle éclate à chaque minute dans les documents de toute

  1. « Expandi manus tota die ad populum incredulum qui graditur in via non bona post cogitationes suas. » (Isai. lxv. 2.)