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LE SERVITEUR DE DIEU

cette Église militante qu’il ambitionnait d’affranchir des indignes entraves de la politique européenne et dont il voulait assurer l’universelle dilatation ! Et pourtant, qu’il eût été facile de perdre courage | Quelle meilleure occasion y eut-il jamais de n’avoir plus de patience, de se rouler par terre comme Jonas découragé et de crier au Seigneur : Melius est mihi mori quam vivere ! Même après qu’il lui eut été donné de réaliser ses étonnantes découvertes, l’inexorable rigueur des desseins de Dieu sur le monde l’empêcha d’en retirer les fruits merveilleux que son âme apostolique en espérait. Des trois grands rêves dont sa charité s’était enivrée : l’évangélisation des Indiens, l’affranchissement temporel de la Papauté et la conquête du Saint Sépulcre, il n’en vit pas un seul s’accomplir et mourut submergé dans l’amertume de cette ineffable déception.

La contradiction des hommes le poursuivit jusque dans le repos de son sépulcre, à lui, et les sublimes dispositions testamentaires par lesquelles cet incomparable serviteur de l’Église essaya de prolonger son apostolat, furent violées en ces trois points essentiels. En ce qui regarde la délivrance du saint Tombeau, le Comte Roselly de Lorgues raconte l’angoisse de Christophe Colomb assiégé de cette pensée à toutes les époques de sa vie, et dans les circonstances même où l’extravagance humaine d’un tel projet éclate le plus manifestement. Dans sa sublime lettre aux Rois Catholiques, datée du lieu de son naufrage, le 7 juillet 1503, ne voulant pas, par dignité chrétienne, reparler d’un projet déjà sacrifié par l’ambition de Ferdinand à d’incertains agrandissements en Italie, il ne l’appelle point par son nom, il ne le nomme pas, tant il est cunnu des