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LE SERVITEUR DE DIEU

tice. » Ce n’est point la Castille ou l’Europe que le Messager de la Croix convie à pleurer sur lui, c’est ce globe entier qu’il a découvert : « Que la Terre pleure sur moi[1] ! »

L’étonnante infortune de Christophe Colomb était donc connue et racontée avec plus ou moins d’agrément par la troupe des historiens et des romanciers qui se sont, jusqu’à ce jour, occupés de lui. La société moderne, si magnifique pour le génie, comme on sait, et si royalement désintéressée avec ses grands hommes, avait même la charité de s’en indigner. Personne ne doutait que Christophe Colomb n’eût mérité un meilleur sort, et tout le monde pensait avec attendrissement que ce grand cœur dût trouver extrêmement amère l’injustice qui le privait de la gloire immédiate et du profit temporel de ses découvertes.

Le Comte Roselly de Lorgues nous fait voir bien autre chose en lui que cette guenille de l’ambition déconcertée. Christophe Colomb n’avait nul besoin des récompenses humaines. Son historien nous le montre affamé d’une seule gloire, la gloire de Notre-Seigneur Jésus-Christ. « On s’est toujours mépris, nous dit-il, sur la pensée intime et le véritable but de Christophe Colomb, quand on a cru qu’il cherchait simplement à découvrir un Nouveau Monde. Jamais la découverte n’a été pour lui un but, mais uniquement un moyen de s’assurer les ressources nécessaires au rachat ou à la conquête du Saint Sépulcre… Sa vénération des

  1. « Yo he llorado fasta aqui à otros ; haya misericordia agora el « Cielo, y 1lore por mi la Tierra.. llore por mi quien tiene caridad, « verdad y justicia. » — Lettre aux Rois Catholiques, datée de la Jamaïque le juillet 1503.