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IX

La fin de Christophe Colomb est bien connue. Tout le monde sait que ce grand homme fut abandonné du misérable roi qu’il avait fait le plus puissant de la terre, et qu’il mourut dans la plus obscure indigence, après avoir été chargé de fers et livré aux plus vils outrages qui aient été endurés par un mortel depuis la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ. La glorieuse magnificence morale de ces faits demeure ignorée, mais, enfin, ces faits eux-mêmes sont connus. Ils resplendissent au fond des ténèbres diaboliquement accumulées sur cette infortune à laquelle rien d’humain ne pourrait, sans ridicule, être comparé. L’ingratitude colossale de Ferdinand épuise, du coup, l’imagination. Depuis Judas l’Iscariote, il n’y avait eu rien d’aussi complet. Il y a là un tel repli d’iniquité, qu’on est tenté de supposer que la prompte déchéance de l’Espagne en a été le châtiment et que la Justice de Dieu a vengé, sur toute une nation, les inénarrables offenses de son deuxième Précurseur. Car l’Espagne entière fut aussi coupable que son Roi. À part deux ou trois hommes absolument sublimes et qui poussèrent le dévouement