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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

Dieux : demain tu subiras le même sort. » Ici, — dit un fort grand écrivain déjà cité dont il est utile de reproduire les réflexions, — ici, la nature humaine pourra contempler le prodige de sa faiblesse. Ce prodige, le voici :

« Élie trembla. Il trembla et s’enfuit. Il trembla d’une terreur inouïe que l’Écriture nous laisse entrevoir à travers la sobriété de ses paroles, mais que les traditions antiques ont gardée comme un monument de la faiblesse humaine. Cette terreur a été presque célébrée par les anciens. On a dit qu’Élie avait eu peur au delà de tout ce qui peut étreexprimé. On a dit que le char de feu avait été appelé par l’excès de sa terreur, etque, ne pouvant plus supporter les épouvantes de la terre, il avait été emporté loin d’elle, pour être soustrait à ses menaces. L’excès de sa terreur aurait obtenu des ailes pour s’envoler, et ses ailes seraient les roues du char de feu. Cette tradition très antique consignée dans un vieux livre extrêmement rare, est un des documents les plus précieux que nous possédions sur la nature humaine. Élie qui venait de ressusciter le fils de la veuve ; Élie le premier vainqueur de la mort ; Élie dont l’Écriture elle-même devait célébrer la gloire ; Élie qui avait bravé et confondu Achab, Élie qui avait fermé et rouvert le ciel ; Élie qui avait fait tomber d’en haut le feu d’abord, l’eau ensuite ; Élie dont le nom signifle Maître et Seigneur ; Élic trembla comme jamais homme peut-être n’avait tremblé, devant la menace d’une femme dont il avait confondu et immolé les défenseurs. Et il se lamentait dans le désert, et il s’assit, demandant la mort. Et cependant c’était la mort qu’il fuyait, et l’Écriture nous étale ses faiblesses comme les faiblesses de saint Pierre