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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

Comte Roselly de Lorgues le récit intégral de cette miraculeuse épopée.

Pour moi, le dernier venu dans les lettres, je n’ai pas, grâce à Dieu, l’écrasante tâche de la raconter. Elle est écrite pour jamais, maintenant, et nullement à refaire par n’importe quel poète. Et je me sers à dessein de ces mots d’épopée et de poésie, non pour caractériser cette œuvre à la manière d’un juge, mais pour en exprimer, comme je peux, l’extraordinaire élévation et l’étreignante intensité. La critique, ici, doit être muette. Je ne sais pas ce qu’il est possible, littérairement, d’aflrmer ou de ne pas affirmer du mérite de cette histoire. J’ignore si l’auteur est un écrivain selon le cœur des majordomes du grand banquet intellectuel et s’il convient de lui assigner telle ou telle place dans l’amphithéâtre passablement encombré des littératures. Mais je sais et j’affirme que son livre ruisselle de haut sur nos têtes et que cela fait commo une nappe de sublime pour nos imaginations étonnées. Encore une fois, l’odieuse pintade critique n’a que faire ici. Le Comte Roselly de Lorgues s’efface et s’anéantit continuellement devant Celui dont il se considère comme infiniment honoré de raconter la vie et les souffrances. Il ne sollicite ni l’attention ni l’indulgence de ses lecteurs. C’est une conscience qui parle à des consciences. Je me suis demandé ce que Bossuet aurait pu dire s’il avait eu l’incomparable faveur de parler devant la dépouille de Christophe Colomb. J’imagine que ce grand homme aurait fait cette oraison funèbre comme le vieux Malesherbes fit le plaidoyer de Louis XVI. Il eût éclaté en sanglots devant les princes et devant le peuple. Il eût pleuré, lui, le plus fastueux