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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

nistration de ses États, ne comprit pas tout d’abord Christophe Colomb[1]. Pendant six mortelles années, ses sentiments pour le plus sublime de tous les solliciteurs, n’allèrent pas au delà d’une vague estime, accompagnée d’une profonde et secourable pitié. Ce que durent être l’agonie et le crucifiement de cette attente, Celui-là seul peut le savoir, qui pèse les douleurs des martyrs dans la balance d’or de l’éternelle gloire ! Christophe Colomb, père selon la Grâce, de deux ou trois cents millions d’Indiens privés de l’Évangile, voyait s’ajourner indéfiniment la délivrance qu’il mourait du désir de leur apporter. Peut-être même ne savait-il pas si son Secret ne mourrait pas avec lui ! Le Dieu des Patients le laissait probablement dans cette incertitude épouvantable. Il se remaria, ajoutant ainsi

  1. Voici, telle que nous l’a conservée Fernando Colomb, second fils de l’Amiral, la lettre que celui-ci écrivit à Ferdinand, dès le début de son séjour en Espagne :

    « Sérénissime Prince, — Je navigue dès ma jeunesse. Il y a près de quarante ans que je cours les mers. J’en ai visité tous les parages connus, et j’ai conversé avec un grand nombre d’hommes savants, avec des écclésiastiques, des séculiers, des Latins, des Grecs, des Maures et des personnes de toutes sortes de religions. J’ai acquis quelque connaissance dans la navigation, dans l’astronomie et la géométrie. Je suis assez expert pour dessiner La carte du monde, et placer les villes, les rivières et les montagnes aux lieux où elles sont situées. Je me suis appliqué aux livres de cosmographie, d’histoire et de philosophie. Je me sens présentement porté à entreprendre la découverte des Indes ; et je viens à Votre Altesse pour la supplier de favoriser mon entreprise. Je ne doute pas que ceux qui l’apprendront ne s’en moquent ; mais si Votre Altesse me veut donner les moyens de l’exécuter, quelques obstacles qu’on y trouve, j’espère La faire réussir. »

    Cette lettre, si semblable aux autres écrits de Colomb, est d’une telle simplicité qu’elle en paraît singulière. Considérez le style de cet homme qui va, en une manière, parachever l’Œuvre des sept jours et qui n’a rien à dire, sinon qu’il a acquis quelque connaissance, qu’il se sent porté et qu’il espère !