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LE SERVITEUR DE DIEU

autorizado », suivant l’expression d’Herrera, était d’un ovale très pur. Les pommettes un peu saillantes et les joues arrondies sans embonpoint ni maigreur, décrivaient avec le menton à fossette une ligne assez allongée pour que la partie inférieure n’eût rien de cette lourdeur sensuelle qui déshonore tant de faces idéales et qui est si choquante, par exemple, dans la maison de Bourbon et dans la maison d’Autriche. Il n’est fait mention de barbe dans aucune description et, certes, si l’aimable héros qui voulut toute sa vie ressembler à un enfant en avait porté, nul doute que ses contemporains, ennemis pour la plupart, ne nous en eussent informés, par une sorte d’intuition haineuse d’un vague ridicule. La barbe paraît avoir quelque chose d’hiératique et d’oriental qui ne convenait pas au Révélateur apostolique de l’extrême Occident.

Le front très vaste, — coupole surélevée de ce tabernacle de lumière, et nettement bombé au-dessus de l’arcade, devait étonner, chez un tel homme d’action, ceux qui ne savaient pas ou qui étaient incapables de comprendre l’indicible don de contemplation de ce disciple du Verbe. Les sourcils déliés et légèrement froncés, comme l’arc bandé de quelque divin sagittaire, tempéraient, par le repli habituel et quelque peu mélancolique de la plus auguste méditation, l’extrême douceur de la physionomie, sans exprimer toutefois ni dureté ni menace. D’ailleurs, ils abritaient des yeux d’une telle paix et d’une si sereine candeur que les serviteurs infidèles, contre lesquels l’Amiral eutà combattre toute sa vie, ne tremblèrent jamais devant ce bon maître chez quiles larmes de l’universelle pitié divine éteignaient presque aussitôt la flamme des plus dévo-