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LE SERVITEUR DE DIEU

tés de sa détresse. La science contemporaine, cette galère capitane de tous les forçats du matérialisme, a récemment constaté, pour lui donner le nom bénin d’atavisme, le retentissement physiologique de cette haute loi spirituelle qu’elle ignore très fermement.

Eh bien ! ce sont précisément ces grandes figures, si effacées par le temps, que nous serions le plus altérés de connaître ! Moïse et Abraham, par exemple, — si près de nous par toutes les habitudes de notre éducation et de notre pensée qu’ils semblent adhérer à notre chair et à notre sang, — nous sont tellement inconnus, quant à la forme extérieure, que c’est une espèce de rêve de s’en souvenir ot qu’ils ont l’oir de n’avoir été révélés à nos âmes aveugles que pour servir d’aliment éternel à notre plus irrémédiable curiosité. Que dis-je ? Notre-Seigneur lui-même, ce Verbe de Dieu fait chair, ce véritable Homme en qui nous avons l’être, le mouvement et la vie, nous est si totalement inconnu par les traits de son Visage qu’il faut être un grand saint pour en deviner quelque chose et que c’est la plus glorieuse” des faveurs divines de l’entrevoir seulement dans la plus brûlante des extases !

Il a plu à Dieu que l’image de son plus grand serviteur dans les temps modernes nous fût à peine moins inconnue que la sienne propre. Pourtant, c’était la grande époque des apothéoses de la face humaine. De César Borgia à François Ier, tout ce qui parut avoir quelque relief dans la boue du siècle fut immortalisé par le phénix de l’Art antique qui renaissait alors de toutes les cendres impures que le spiritualisme pénitent du moyen âge avait dispersées pendant mille ans aux quatre vents du ciel. Christophe Colomb fut oublié