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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

dont il se sentait chargé. Indubitablement, ce fut là qu’il acquit cette connaissance variée des œuvres théologiques dont il fit preuve depuis. Tout homme du monde qu’il était encore, il aspirait du fond de son cœur à célébrer la gloire de Jésus-Christ. Le franciscain reconnut en lui la marque d’une élection providentielle. C’est pourquoi il s’intéressa à sa destinée et s’y attacha d’un dévouement qui ne finit qu’avec lui-même. Touchant et poétique épisode de l’existence la plus surhumaine qui fut peut-être jamais ! Le souvenir de cette retraite et de cet ami dut réconforter plus tard le navigateur de Dieu, dans les solitudes et les abandonnements de sa Mission. Le Sacrement était loin alors ; l’appel religieux d’aucune cloche n’arrivait plus à lui à travers les espaces bouleversés de l’immense mer, et cette âme chrétienne, plus immense et plus solitaire encore, dut avoir à souffrir les pesantes agonies et les noires tentations de la mélancolie des exilés. Ah ! Dieu fait les grands hommes à la taille de leur destinée et il mesure parcimonieusement les consolations terrestres à ces enfants gâtés de la douleur !…

Christophe Colomb prit enfin congé du vénérable Gardien et se mit en route pour Cordoue où résidaient alors Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille que leurs sujets et l’Europe contemporaine désignaient déjà sous ce seul nom magnifique conservé par l’histoire : les Rois Catholiques !