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LE SERVITEUR DE DIEU

fonça son bâton dans le sable, et le lendemain il le vit fleuri comme un palmier et couvert de dattes. »

Cette légende singulière a été fixée dès les temps les plus anciens par l’iconographie chrétienne dans toutes les contrées où le culte de saint Christophe s’est établi. Peinture ou statuaire, saint Christophe est représenté sous la forme d’un géant portant l’enfant Jésus sur ses épaules, passant la mer sans être complètement mouillé et s’appuyant sur un tronc d’arbre verdeyant orné de sa cime et de ses racines[1].

« Assurément, dans cette image du confesseur de la foi, rien ne rappelle l’apostolat ou le martyre. Cette représentation n’étant nullement applicable aux événemenis de la vie de saint Christophe, évidemment elle ne saurait porter que sur son nom. Or, on a donné à ce nom, réellement symbolique, une expression qui ne pouvant concerner le passé, nécessairement alors regarde l’avenir.

  1. La tradition qui fait traverser à saint Christophe un simple fleuve paraît être d’origine germanique. « Pour trouver l’exacte représentation du colosse emblématique, dit le Comte Roselly de Lorgues, il faut chercher aux pays méridionaur. Là, saint Christophe est bien le géant qui porte Jésus et passe la grande mer, n’ayant de l’ean que jusqu’à la ceinture, tenant en guise de bâton l’arbre mystique à transplanter, ou même ayant à la main la Croix qu’il va porter de l’autre côté de la mer. Le saint voyageur est tellement revêta de ses attributs de missionnaire qu’il tient appendue à sa ceinture la gourde du voyage.

    « Et il est si naturel de voir dans la mission catholique de Colomb l’explication de la figure de saint Christophe, que le premier géographe de l’épuque de la Découverte, Juan de la Cosa, en achevant de dessiner la carte du Nouvesu Monde et de montrer le moderne progrès géographique dû à Colomb ; au lieu de nommer le vainqueur de la mer ténébreuse, se contenta de peindre l’image symbolique du saint qui porte le Christ à travers la mer, À ses yeux la prédiction contenue dans cette religieuse figure était enfin réalisée. »