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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

Non certes ! mais il faudrait absolument ce que n’enseigne aucune école : le désir enthousiaste de la vérité appuyé sur le pressentiment d’un plan divin. L’Histoire, alors, cesserait d’être la « Bagatelle fascinante » de l’incrédulité pour redevenir ce qu’elle fut dans les Saints Livres : la transcendante information du Symbolisme providentiel.

Nous vivons en un misérable temps où les plus belles intelligences se replient sans cesse sur elles-mêmes au lieu de se précipiter amoureusement hors d’elles-mêmes.

C’est la subjectivité universelle, nom moderne d’un mal moderne. Depuis que la Théologie, rejetée dès longtemps par Descartes comme la béquille d’un paralytique décédé, a roulé dans les catacombes de l’inattention scientifique, on peut prononcer en toute assurance que la science n’a plus d’objet. Elle n’a plus que des sujets sur lesquels elle se livre à l’héroîque besogne d’investigation que le pauvre enfant de Murillo accomplit sur lui-même dans la lumière non métaphysique d’un rayon de soleil. Et, comme l’intelligence humaine dépossédée de l’a priori théologique, a désormais son absurde siège à la base d’un angle de vision épouvantablement aigu, elle ne saurait poursuivre l’insecte subjectif qu’en s’enfonçant dans un rapetissement de plus en plus moléculaire de son champ d’observation et d’analyse éternelle.

Eh bien ! dans cette déroute générale de l’objectivité[1] scientifique, dans cette débâcle de toutes les

  1. On n’admirera jamais assez cet étonnant jargon prussien. Le canon Krupp de La philosophie allemande ne le cède en rien à l’autre canon. Les Français s’en apercevront peut-être quand leur langue terme et lumineuse se sera définitivement enlisée dans ces Palus-Méotides intellectuels. Alors, sans doute, on sera prêt pour la revanche pacifique de l’imbécillité nationale.