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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

Quand Christophe Colomb, le doux apôtre du Verbe, avait à exiger quelque fatigue extraordinaire, il disait simplement à ses hommes : « Nous devons à Dieu de faire telle chose, » et, par là, il faisait entrer la bonne volonté dans les cœurs. Nous autres, nous devons à Dieu de travailler extraordinairement pour son Église, en ces jours terribles. Cette Église infiniment sainte et sacrée est, elle aussi, un navire en voyage vers un monde réellement nouveau dont la beauté ne doit pas périr. Actuellement dénuée de tout secours humain, elle lutte avec des tribulations infinies contre la plus formidable tempête que le ténébreux génie du mal ait jamais soulevée contre elle en aucun temps de l’histoire. L’ingratitude universelle est à son comble et l’esprit de révolte fait déserter chaque jour un grand nombre de serviteurs qu’on avait le droit de supposer fidèles et incorruptibles jusqu’à la mort. La France, hélas ! l’Espagne, l’Italie et ce qui reste encore de l’Allemagne chrétienne, dévorées et bouleversées par le triomphant crétinisme révolutionnaire se retournent à la fois contre elle et la menaçent d’un naufrage complel et irrémédiable. Uniquement soutenue par la promesse de Jésus-Christ, sa détresse est devenue si parfaite, son dénûment si total et son abandonnement tellement sans exemple qu’on est tenté de craindre que Dieu ne transporte décidément un de ces jours, loin de l’Europe infidèle, le candélabre et les flambeaux. Des voix lamentables s’élèvent du sein de la chrétienté et du sein de l’antichrétienté et nous crient de toutes parts « qu’il n’y a plus de saints dans l’Église », et c’est bien la plus terrible parole qui puisse être prononcée sur ce monde arrosé du sang divin. Nous devons donc à Dieu et