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mon toit, mon holocauste et mon équilibre, tu es le chien sur mon seuil, je ne sais pas plus ce que tu es, que je ne sais ce que je suis moi-même. Mais, quand nous serons morts à notre tour, si Dieu veut faire quelque chose de nos poussières, il faudra qu’il les repétrisse ensemble, cet architecte, et qu’il y regarde à trois fois avant d’employer l’étrange ciment qui lui collera ses mains de lumière !

« Tu as sans doute raison de me reprocher d’avoir écrit à Dulaurier et j’ai raison aussi, très probablement, de l’avoir fait. Il a jugé convenable de me répondre par une lettre qui le déshonore. N’est-ce pas là un beau résultat ? Tout ce que tu m’écris de lui, il a pris la peine de me l’écrire lui-même. Le pauvre garçon, c’est à peine s’il se cache de la terreur que je lui inspire.

« Franchement, j’avais cru que ce sentiment bien connu de moi, à défaut de magnanimité, vaincrait son avarice et le déterminerait à me rendre le facile service que je lui demandais. Il a eu la bonté de me conseiller la fosse commune, en me rappelant à l’humilité chrétienne. Pour être si imprudent, il faut qu’il me croie tout à fait vaincu, autrement ce serait par trop bête d’outrager un homme dont la mémoire est fidèle et qui a une plume pour se venger !

« Quant au docteur, je ne l’avais pas prévu dans cette affaire. Ah ! ils sont dignes de s’estimer et de se chérir, ces négriers de l’amitié qui m’ont jeté par-dessus bord à l’heure de prendre chasse, et qui mettraient à mes pieds les trésors de leur dévouement si j’obtenais un succès qui me rendît formidable ! Avec quelle joie je leur ai renvoyé leur argent, tu le devines sans peine.