Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.

deux qui sont sous la terre. Si son âme est profonde, tout cela n’est que le commencement des douleurs.

Il y a, — qui ne l’oublie pas ! — le ciel et l’enfer, c’est-à-dire une chance de béatitude contre dix-sept cent mille de malédiction et de hurlements sempiternels, ainsi que l’enseigne Monsieur Saint Thomas d’Aquin, dont le Bon Pasteur ne paraît pas avoir prévu les doctrines !

Les irrésistibles entraînements de cœur qui jetèrent dans ses bras l’infortunée, les caresses presque chastes, mais non permises, qui lui faisaient oublier, un instant, l’abomination de sa misère, — pendant qu’il s’attendrit confortablement sous les marronniers en fleur, — elle est probablement en train de les expier d’une façon qu’on ne pourrait pas, sans crever de rire, le voir entreprendre de conjecturer.

C’est toute la puissance divine qui est en armes pour supplicier cette douce fillette qui buvait les pleurs de ses yeux et qui se mettait à genoux pour laver ses pieds en sang, quand il avait trop marché pour sa rédemption. C’est maintenant contre elle toute une armée de Xerxès d’épouvantements. La plus intime essence du feu sera tirée de l’actif noyau des astres les plus énormes, pour une inconcevable flagrance de tortures qui n’auront jamais de fin. Cette affreuseté de la putréfaction sépulcrale qui est à faire se cabrer les cavalcades de l’Apocalypse, — ah ! ce n’est rien, c’est la beauté même, comparée à l’infamation surnaturelle de l’image de Dieu dans ce brûlant pourrissoir !…

Le désolé catholique avait eu souvent de ces pensées qui le roulaient par terre, rugissant, épileptique, écumant d’horreur. — Dix mille ans de sépara-