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démence et dont il avait accompli le miracle de se faire aimer exclusivement, la première, arrachée à une étable de prostitution, était morte phtisique, — après deux ans de misère partagée, — dans un lit d’hôpital, où le malheureux, n’ayant plus un sou, avait dû la faire transporter. Administrativement avisé du décès et voulant, au moins, donner une sépulture à la pauvre fille, il avait avalé, en l’absence momentanée de son ami, des vagues de boue pour trouver les quelques francs du convoi des pauvres, et il était arrivé une minute à peine avant l’expiration du délai réglementaire.

Ce déplorable corps nu, jeté sur la dalle de l’amphithéâtre, éventré par l’autopsie, environné d’irrévélables détritus, suintant déjà les affreuses liqueurs du charnier, avait commencé, pour ce contemplatif dévasté, la dangereuse pédagogie de l’Abyme !


XX


L’aventure de la seconde morte n’avait pas été moins tragique. Celle-ci, Marchenoir ne l’avait pas épousée sur un grabat de déjections, dans le gueulement d’épithalame d’une porcherie d’ivrognes en rut.

C’était une de ces pauvresses d’esprit de la débauche, — à casser les bras à la Justice ! — une de ces irresponsables chasseresses, ordinairement bredouilles, du Rognon pensant, sommelières sans vocation, inhabiles à soutirer la futaille humaine.