Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/65

Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’implorant ? C’est par trop idiot et si tu n’étais pas si malheureux, je t’assommerais d’injures.

« Il m’a joué tous les airs de sa mandoline, le misérable ! Il s’est attendri, comme toujours, sur tes chagrins, sur ta malchance littéraire, etc. Puis, prenant mon silence pour une approbation de tout ce qu’il lui plairait de me faire entendre, cet eunuque, — pour qui le fanatisme consiste à dire oui ou non sur n’importe quoi, — a parlé, une fois de plus, de ton intolérance si regrettable et de ton injuste rage de dénigrement ; il m’a donné sa parole d’honneur que tes absurdes principes étaient incompatibles avec l’idée qu’on pouvait se faire d’une tête sagement équilibrée et qu’ainsi tu n’arriverais jamais à rien. Au fond, il te redoute terriblement et voudrait bien que tu restasses à Périgueux.

« J’ai parfaitement senti qu’il tenait surtout à se justifier par avance du soupçon de ladrerie. Il paraît qu’il a poussé le zèle de l’amitié jusqu’à s’en aller demander pour toi l’aumône à Des Bois, qui s’est fendu de quelques pièces de cent sous, à ce que j’ai pu comprendre. Ça ne doit pas être gros. Une bien jolie pratique, celui-là encore ! J’espère bien que tu vas leur renvoyer immédiatement leur sale monnaie.

« Ce Dulaurier a eu un mouvement admirable : — Voulez-vous prendre ma montre ? m’a-t-il dit d’une voix mourante, vous la porteriez au mont-de-piété et vous enverriez l’argent à ce malheureux.

« Moi, toujours silencieux, je regardais l’oignon monter et descendre dans le gousset, puis finalement disparaître, comme un pauvre cœur qu’on dédaigne. Cela tournait au Palais-Royal.

« Cette oblation grotesque me rappela, néan-