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nées entières sur dix, sans prendre aucune nourriture ni porter aucune sorte de vêtement !…

Successivement évincé de toutes les industries et de tous les trucs suggérés par l’ambition de subsister, il se vit réduit à condescendre aux plus linéamentaires expédients. Ramasseur diurne et noctambule investigateur, il s’acharna faméliquement à la recherche de tout ce qui peut être glané ou picoré, dans les mornes steppes de l’égoïsme universel, par le besoin le plus fléchisseur, en vue d’apaiser l’intestinale vocifération.

Forcé d’ajourner indéfiniment son éclosion littéraire, il enfouit sa précieuse tête sous les décombres de ses illusions et s’en alla se ronger le cœur dans les carrefours de l’indifférence. — Cette époque de ténèbres a été le Moyen Âge de mon ère, disait-il, au lendemain de sa renaissance chrétienne.

Les lettres, il est vrai, n’y perdaient pas grand-chose. Cet esprit noué comme un cep, condamné à se chercher et à s’attendre bien longtemps, ne devait se développer, littérairement, que fort tard, sous un arrosage emphytéotique de pleurs.

Les bibliothèques publiques étant devenues pour lui l’habituel refuge, il y connut cet ami déjà mentionné, le seul qu’il ait jamais eu. C’était un doux maniaque d’histoire ecclésiastique et de monographies pontificales, âme sereine et peu croyante, en tout l’opposé de Marchenoir.

Privé de fortune, comme il convient aux lapicides de l’érudition, ce documentaire vivait besogneusement d’un grisâtre bulletin bibliographique dans une grande revue. À ce titre, il voyait passer chez