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société catholique contemporaine ne pouvait plus avoir pour lui le moindre prestige. L’obéissance fut un décret de sa raison, un hommage tout militaire et de pure consigne aux Eunuques du Sérail de la Parole. Il ne fallait pas lui en demander davantage.

Le sel de la terre, — pour employer le saint Texte liturgiquement adopté dans le commun des Docteurs, — il le voyait dénué de saveur, incapable de saler, même une tranche de cochon, gravier sédimentaire bon tout au plus à sablonner de vieilles bouteilles ou à ressuyer les allées d’un parc mondain sous les vastes pieds du dédaigneux « larbin de Madame ».

Investi des plus transcendantales conceptions, il considérait avec d’horrifiques épouvantements ce collège œcuménique de l’Apostolat, cette cléricature fameuse qui avait été réellement « la lumière du monde, » — si formidable encore que la dérision ne peut l’atteindre sans rejaillir sur Dieu comme une tempête de fange, — devenue pourtant le décrottoir des peuples et le tapis de pied des hippopotames !

Il se disait que c’était justice, cela, et que la grande Prévarication sacerdotale allait sans doute recommencer, puisqu’on revenait à l’obduration et à l’enflure théologique de la Synagogue, — avec l’aggravation, pour les seuls bourreaux, cette fois, de l’universel mépris.

De l’ignominie du Christianisme naissant à l’ignominie du Catholicisme expirant, la translation s’achevait enfin dans ce char de gloire qui avait roulé dix-neuf siècles, par toute la terre !

Le Seigneur n’avait plus qu’à se montrer. Les pasteurs des âmes allaient lui régler son compte, plus sûrement encore que les Princes des Prêtres et les