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XIV


Telle fut la doctrine de Marchenoir. Doctrine qui ne le séparait pas du catholicisme, puisque l’Église romaine a tout permis de ce qui n’altère pas le canonique Symbole de Nicée, mais jugée singulièrement audacieuse par les vendeurs de contremarques célestes qui vocifèrent le boniment sulpicien sur le trottoir fangeux des consciences.

Un croyant qui voulait contraindre les regrattiers du salut à reposer devant lui leur marchandise et que l’orgueil chrétien révoltait plus que le pharisaïsme crucificateur de la Thora, ne pouvait pas se faire beaucoup d’amis dans le sacerdoce.

Il n’en put trouver qu’un seul, un prêtre doux et humble à la manière de cet émule ignoré de saint Vincent de Paul, que le peuple de Paris nommait le Pauvre prêtre et qui, un jour, pressé par le tout-puissant Cardinal de Richelieu de lui demander quelque importante faveur, lui fit cette simple réponse :

— Monseigneur, veuillez donner des ordres pour qu’on remette des planches neuves à la charrette qui porte les condamnés à mort au lieu de leur supplice, afin que la crainte de tomber en chemin ne les détourne pas de recommander leur âme à Dieu.

Marchenoir eut l’inespérée fortune de dénicher un prêtre de cette sorte, mais ce fut pour très peu de temps. En général, le Clergé français n’aime pas les saints ni les apôtres. Il ne vénère que ceux qui sont morts depuis longtemps et en poussière. Rejeton li-