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le désespéré

répandu son cœur dans cet infidèle crible de l’oraison Dominicale et… il avait été saturé de la joie parfaite. Il y avait donc quelque chose sous cet amas de sépultures, sous cette Maladetta de cœurs souffrants en poussière, au fond de ce gouffre du silence de Dieu, — un principe quelconque de résurrection, de justice, de triomphe futur ! À force d’amoureuse foi, il se fit de l’éternité palpitante avec une poignée de temps pétrie dans sa main et se fabriqua de l’espérance avec le plus amer pessimisme.

Il se persuada qu’on avait affaire à un Seigneur Dieu volontairement eunuque, infécond par décret, lié, cloué, expirant dans l’inscrutable réalité de son Essence, comme il l’avait été symboliquement et visiblement dans la sanglante aventure de son Hypostase.

Il eut l’intuition d’une sorte d’impuissance divine, provisoirement concertée entre la Miséricorde et la Justice, en vue de quelque ineffable récupération de Substance dilapidée par l’Amour.

Situation inouïe, invocatrice d’un patois abject. La Raison Ternaire suspend ses paiements depuis un tas de siècles et c’est à la Patience humaine qu’il convient de l’assister de son propre fonds. Ce n’est que du Temps qu’il faut au solvable Maître de l’Éternité et le temps est fait de la désolation des hommes. C’est pourquoi les Saints et les Docteurs de la foi ont toujours enseigné la nécessité de souffrir pour Dieu.

Le brûlant néophyte, ayant deviné ces choses, arracha l’épine de son pied boiteux de catholique arrivé si tard et, — se ruant à la Douleur, — en fit