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trême décadence, poser sa tête, ainsi qu’un enfant, sur les genoux de l’homme qui lui avait valu presque autant qu’un père et sentir sur son visage cette main fidèle, qui l’eût protégé contre les visions possibles de la dernière heure…

Il attendait aussi le prêtre. Il l’attendait vainement depuis la veille. Certes ! il pouvait l’attendre, sa portière, qu’il avait chargée de l’aller chercher, ayant jugé à propos de n’en rien faire.

Ce n’était pourtant pas une méchante femme. Elle l’avait même soigné avec une évidente sollicitude, et avait passé une partie des nuits dans la chambre de ce malade que le médecin avait condamné, dès le premier jour, — comptant un peu, à la vérité, sur l’arrivée de Leverdier bien connu d’elle, pour être payée de sa peine, mais capable, néanmoins, d’une certaine réalité de désintéressement affectueux.

Elle appartenait à ce peuple de Paris que la sottise bourgeoise a plus profondément pénétré qu’aucun autre, et qui la reproduit en relief, comme l’empreinte du cachet reproduit le creux de l’intaille. Il n’était pas nécessaire de la faire bavarder longtemps, pour voir défiler tous les lieux communs et toutes les rengaînes qui constituent, depuis cent ans, au moins, le trésor public de l’intelligence française : « Dieu n’en demande pas tant, — La religion, c’est de ne faire de tort à personne, — Quand on est honnête, on n’a pas besoin de se confesser, — Quand on est mort, on n’a plus besoin de rien, » etc. Elle allait très régulièrement au cimetière, le Jour des Morts, avec cent mille autres qui ne connaissent pas d’autre pratique pieuse et qui vont, une fois l’an, porter des couronnes à leurs défunts, pour lesquels